14-18Hebdo

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77e semaine de guerre - Lundi 17 janvier au dimanche 23 janvier 1916

 

LUNDI 17 JANVIER 1916 - SAINT ANTOINE - 533e jour de la guerre

MARDI 18 JANVIER 1916 - CHASSE DE SANT PIERRE A ROME. - 534e jour de la guerre

MERCREDI 19 JANVIER 1916 - LA SAINTE FAMILLE - 535e jour de la guerre

JEUDI 20 JANVIER 1916 - SAINT SEBASTIEN - 536e jour de la guerre

VENDREDI 21 JANVIER 1916 - SAINTE AGNES - 537e jour de la guerre

SAMEDI 22 JANVIER 1916 - SAINT VINCENT - 538e jour de la guerre

DIMANCHE 23 JANVIER 1916 - SAINT RAYMOND DE PENNAFORT - 539e jour de la guerre

  

Revue de presse

-       La santé du Kaiser - L'agence "Wolff" le dit guéri - Il aurait été opéré jeudi dernier

-       Le roi du Monténégro traite avec l'Autriche

-       Le roi de Monténégro décide de s'embarquer pour l'Italie

-       Le roi Constantin invective les Alliés

 

Morceaux choisis de la correspondance

Au fait et la moustache ? Penses-tu à moi en la retroussant d’un petit air vainqueur ?

17 janvier - ELLE.- Je t’écris du bureau où je suis venue apporter le courrier en l’absence de Maman, en attendant que Marie me donne les renseignements nécessaires pour y répondre.

 

Hier soir, j’ai eu Marie Krantz à dîner et nous avons fait ensuite une partie de piquet. Tu reconnais là le vice de ta femme, toujours la même joueuse. A neuf heures, nous avons cessé le jeu, soi-disant pour nous coucher, mais ensuite avons continué à deviser chacune d’un côté de la cheminée, les pieds au feu jusque 10 heures. Nous avons philosophé, parlé du mariage, du veuvage, des ménages plus ou moins heureux qui existent en si grand nombre, et une pensée d’amour s’est envolée de mon cœur vers toi, mon aimé, qui me rends si heureuse.

 

Il fait un temps délicieux aujourd’hui et je vais faire sortir nos enfants à onze heures, cela redonnera de l’appétit à Sœurette qui en manque un peu ces jours-ci. Leur toux est vraiment bien passée, on ne les entend plus du tout le jour.

 

Au fait et la moustache ? Penses-tu à moi en la retroussant d’un petit air vainqueur ?

 

18 janvier - LUI.- Non, je n’ai pas oublié de remettre la lettre de Maman au bureau du commissaire à Epinal. Le commissaire n’était pas là mais j’ai prié un de ses employés que j’ai trouvé au bureau de lui remettre cette lettre le plus tôt possible. J’espère donc que vous recevrez bientôt, si vous ne l’avez déjà reçu, l’arbre qui vous empêche de faire marcher vos calandres. C’est regrettable que le monteur de câbles ne puisse venir. J’espère que Paul aura fait le nécessaire avant de partir pour Paris et, qu’en ayant replacé le rouleau qui existait autrefois et qui avait disparu, l’usine pourra remarcher dans de bonnes conditions. Mais il vaut mieux que tout cela soit bien en ordre pour éviter des accidents qui pourraient coûter cher.

 

As-tu reçu des nouvelles de la Banque de Mulhouse relativement à notre achat des Phosphates de Gafsa. Et, puisque je suis en train de parler affaire, j’ai toujours oublié de te demander (je pensais le faire pendant ma permission) si nous étions bien en règle au sujet de la Société de St Gobain et si tu n’avais pas eu des nouvelles de nos fameux titres égarés.

 

Rien de nouveau ici. Zemb est parti en permission le lendemain de mon arrivée, fort content comme tu penses. Nous allons changer parait-il notre matériel et avoir du 75. J’en suis très heureux mais crains d’un autre côté qu’on nous fasse alors quitter la position que nous occupons actuellement, car, bien que nous commencions à y être repérés, nous nous y plaisons bien et nos hommes avaient confiance dans les abris très solides qu’ils avaient faits. Notre colonel nous quitte également, suivant de près notre général de division. Nous le regretterons tous et nous ne comprenons guère sa défaveur. Enfin, il faut être philosophe !

 

Je n’ai pas besoin de te dire combien j’ai été content d’apprendre que Robert et toi aviez engraissé. Cela prouve que vous êtes sur la bonne voie et que ta vie de repos te fait beaucoup de bien. Lorsque je vais revenir en permission dans quelques quatre ou cinq mois, je vais retrouver ma petite femme tout à fait grassouillette. Tu vois comme nous sommes enfants, on revient de permission et ici on ne parle que de cela.

 

J’ai aussi oublié de te parler d’une chose pendant ma permission. Et, si je n’y ai pas pensé, c’est que pour mon compte je suis tout à fait au-dessus de cela, mais enfin il faut penser que tout le monde peut ne pas être de votre avis. Voilà déjà un an et demi que tu es chez ta mère avec les enfants. Je ne pense pas que tes frères ou sœur trouvent cela bizarre, mais enfin tu pourrais peut-être en causer à Maman, en riant et sans dire bien entendu que cela vient de moi. Au fond, ce que je te dis là est peut-être ridicule. Excuse-moi de penser que peut-être nous devrions un peu participer aux frais du ménage. A la réflexion, non, je dis des bêtises mais n’ai plus le temps de recommencer ma lettre.

 

19 janvier - ELLE.- Je suis encore allée hier à Epinal chercher Maman de retour de Paris et prendre le thé chez Madame Febvel, mais c’est le dernier voyage que je fais pendant un mois car le docteur m’ordonne le repos absolu pendant ce laps de temps, en même temps qu’il me force à manger beaucoup et me donne une drogue à prendre. Après cela il pourra juger de mon état. Donc je commence aujourd’hui mon régime dans toute sa rigueur. Nous verrons le résultat.

 

Je continue nos petits calculs de prix de revient, mais je trouve ton conseil, pour trouver notre poids juste de pâte dans les hottes, bien compliqué, et je préfère faire peser un ou plusieurs jours les ballots de pâte sèche qu’on met dans les meules et compter ensuite le nombre de hottes remplies de pâte humide, cela nous demandera pour le moment moins de travail que ce que tu m’expliques et que d’ailleurs je n’ai pas très bien compris, il faudra que je relise plusieurs fois tes explications.

 

Maman n’est pas sûre d’avoir la commande des Postes car il y a des concurrents qui ont fait des prix plus bas, mais demandent 3 hommes sous les drapeaux, Maman n’en demande qu’un mais elle a un peu baissé son prix, car en ce moment où on fait enquêtes sur enquêtes au sujet des marchés de l’Etat, elle a bien vu que c’était ce qui importait à l’administration. D’autre part, je me demande si le concurrent en question n’a pas graissé un peu la patte. On le verra bien, maintenant que la question du prix n’existe plus, si on ne nous donne pas la commande, c’est qu’on a d’autres raisons de l’octroyer au Mr qui demande trois soldats. A part cela, elle a fait très bon voyage, a trouvé Maguy en bon état, et est rentrée sans fatigue.

 

As-tu vu dans les journaux l’incendie des Magasins Réunis ? C’est une grosse perte pour Nancy, le petit commerce va s’en réjouir, mais toutes les belles petites vendeuses qui faisaient tant de frais pour Messieurs les militaires doivent être navrées. D’après Georges Garnier, il s’agit d’un incendie d’origine accidentelle qui a complètement anéanti en une nuit les Magasins Réunis et endommagé les combles de la Société Nancéienne. C’est tout à fait infernal comme aspect : l’armature de fer a été complètement tordue par la chaleur, les escaliers se contorsionnent de la façon la plus fantastique, quant aux moellons, ils sont tous à terre. A Nancy un avion est venu il y a peu, une nuit, lancer 6 bombes dont 2 incendiaires de leurs côtés, notamment 4 aux environs du Bon-Pasteur. Un incendie s’est déclaré dans une maison actuellement inhabitée à 250 mètres de chez eux, incendie heureusement enrayé au bout d’une ½ heure par les pompiers. Cette nuit-là, comme toujours en pareil cas, ils sont descendus à la cave, dans des costumes d’ailleurs assez pittoresques, reconnaît-il.

 

Les enfants vont bien et sortent tous les jours.

 

20 janvier - ELLE.- N’oubliez plus de mettre Vosges sur votre lettre, car vous n’écrivez déjà pas très lisiblement et quand il n’y a qu’un misérable petit Docelles, votre missive risque fort de se tromper de route. Hier, quelqu’un des postes avait écrit au crayon un immense « Vosges », qui tenait la moitié de l’enveloppe. Maintenant que je t’ai fait ma petite observation, je t’embrasse bien vite pour me la faire pardonner.

 

Je suis sur ma bonne chaise longue. André est sorti avec Maman pour chercher à faire amener le plus vite possible une nouvelle rame de houille qui arrive avant que le quai soit décombré. Comme ce n’est pas la même espèce, Maman aimerait mieux qu’on la décharge à même dans les voitures pour qu’elle ne soit pas mélangée.

 

Pauline m’écrit que Mr le Curé et Mlle Stéphanie trouvent que les patrons de Cornimont oublient trop leur paroisse. Justement j’ai envoyé il y a huit jours par Edmond Petitgenêt 100 f. au curé pour le denier du culte et 200 à Mlle Stéphanie pour les écoles, donc je suis en règle et nous n’avons pas à prendre ce reproche pour nous. D’autre part, Pauline me dit aussi qu’on est furieux à Cornimont contre le Maire qui ne veut pas donner d’indemnité à tous ceux qui ont logé des troupes. Mr le Curé s’en plaint aussi car les écoles libres ont eu besoin de réparations et de nettoyage cet automne après avoir eu des troupes toute la première année de guerre, on a brûlé le bois de chauffage et le Maire ne veut rien payer. Il est de fait qu’il pourrait donner quelque chose.

 

Noëlle aime de plus en plus le piano. Elle joue seule à chaque instant, le matin avant 9 heures, après sa leçon entre onze heures et midi quand elle ne sort pas. Je crois qu’elle aura vraiment beaucoup de goût. André y met moins d’ardeur, il prend juste sa demi-heure et s’en contente. Maman leur a rapporté de Paris des petits calepins avec un élastique et un crayon dont ils sont enchantés, Robert surtout. C’est étonnant comme de petites choses comme celles-là leur plaisent souvent mieux que de vrais jouets. Hier Robert n’a fait qu’inscrire des chiffres, faire de petits dessins, toute l’après-midi dessus.

 

Mon Geogi qui pense encore à la photo que le Kronprinz a prise de sa femme à l’Altenberg il y a une dizaine d’années, voilà un beau titre de gloire pour une Française. Tu sais, s’il n’est pas meilleur général que photographe, il n’est pas épatant. L’épreuve n’est pas de la première qualité, on y voit simplement une petite bonne femme en robe de piqué blanc, le cou nu, dans un col marin avec une cravate rouge, et fumant une cigarette. Elle doit être au fond d’un de mes tiroirs à Cornimont. Quand j’aurai le temps, je la chercherai et te l’adresserai. Paul Boucher et Maurice qui étaient avec moi et l’avaient vu me photographier en ont une aussi, car ce sont eux qui ont écrit en Allemagne pour avoir les épreuves. Moi je n’en savais rien et ai été bien étonnée quand ils me les ont montrées.

 

Le temps me semble long loin de vous et cela ne peut pas durer.

20 janvier - LUI.- Je reçois ta carte du 15 et ta lettre du 16 en même temps. Tu me dis que tu sors avec les deux petits. C’est donc que leur toux est complètement passée. J’en suis bien content, car cela leur fera du bien de ne pas être toujours enfermés à la maison et ils s’ennuieront certainement moins. Continue à faire ta chaise longue, mais tu ne me parles pas de ton régime. L’as-tu commencé et le suis-tu bien régulièrement. Il faut un peu écouter, ma Mi, ce que disent les médecins et n’en pas faire qu’à sa petite tête.

 

Voilà bien Maman qui est très malade la veille et qui s’en va faire un voyage fatigant à Paris le lendemain. Les femmes, même les plus sérieuses, ne sont vraiment pas raisonnables. Il est vrai qu’elle se réjouissait probablement de revoir cette brave Maguy avec son Paul comme tu dis. Pourquoi ne profiterait-elle pas de son séjour à Paris, Maguy, pour faire un saut dans les Vosges. Il est vrai qu’il faudrait encore faire un tas de démarches et puis nos enfants viennent d’avoir la coqueluche.

 

T’ai-je dit qu’Alice Mangin m’avait invité au dîner chez Larue ? S’imagine-t-elle par hasard qu’on peut aller comme cela dîner à Paris.

 

On est tout à fait excité dans notre secteur et on procède à des bouleversements complets. C’est bizarre, chaque fois qu’un nouveau chef arrive, c’est la même chose. Il n’a pas les idées de son prédécesseur, a même ses clients qu’il appelle auprès de lui en envoyant promener les anciens. Bref, il n’y a aucun esprit de suite et je commence à croire qu’on ne pourra avoir les Allemands qu’en resserrant le blocus très fortement, comme on semble vouloir le faire. En tout cas, il me semble que la guerre ne pourra plus se prolonger l’hiver prochain. Je ne sais pas si tu lis dans Le Temps les articles de Wells, mais c’est bien cela, tous les belligérants seront épuisés et l’argent manquera. Je n’ai pas besoin de te dire combien j’aspire après cette fin et comme il fera bon me retrouver avec toi ma chérie et nos chers petits. Le temps me semble long loin de vous et cela ne peut pas durer.

 

Je ne sais pourquoi Marie Molard voulait absolument que je mette mon képi. J’ai résisté comme tu vois. As-tu reçu ces fameuses photos. Je réfléchis que le photographe a dit qu’il te les enverrait quinze jours après.

 

J’ai reçu une lettre d’un M. Perrin, ancien employé dit-il, qui revient de permission et a su mon adresse. Il est sous-lieutenant dans l’infanterie et m’écrit une très bonne lettre. Vois-tu qui cela peut être. A Cornimont je ne connaissais que Marcel Perrin qui a été tué, m’a-t-on dit, dès le début de la guerre. Avant de lui répondre je voudrais au moins me le rappeler.

 

Il craint bien d’être encore en Allemagne pour deux autres Noëls.

22 janvier - ELLE.- J’ai reçu ta lettre du 18, nous avons reçu la transmission de la calandre et avons vu que tu avais fait très bien la commission de la lettre, Maman t’en remercie beaucoup.

 

La filature remarche aussi depuis deux jours. Finalement c’est un monteur qui est venu des environs de Paris. Il a d’abord travaillé deux jours pour refaire l’indispensable, et maintenant les ouvriers travaillent le jour et lui fait sa réparation la nuit. Auptel n’est pas encore revenu, on l’a gardé en observation à Epinal, c’est bien ennuyeux. Son beau-père le remplace en attendant.

 

J’ai reçu avis de la Banque de Mulhouse qui nous a acheté 4 actions de Gafsa à 681 fr. mais après le prix a monté, je voyais hier sur le journal 695, de sorte que je n’ai plus reçu d’autre communication. Pour St Gobain, nous sommes en règle ayant reçu un nouveau certificat en remplacement de celui qui est égaré. Il est entendu que si nous le retrouvons, nous devons le renvoyer de suite à la maison.

 

Autre affaire, j’ai déjà parlé une fois à Maman de la question ménage et dépenses et, comme tu le penses bien, elle n’a pas voulu entrer dans la question, disant qu’elle est trop contente de nous avoir, qu’elle est libre de faire chez elle ce qui lui plaît, et qu’à ceux qui trouveraient à redire, il n’y en aura pas d’ailleurs, elle leur dirait qu’ils n’avaient qu’à venir aussi s’installer chez elle. Il en est de même pour son fils Georges, qui restera avec elle tout le temps qu’il voudra et auquel naturellement elle ne fera pas payer de pension. Nous savons que les Garnier le font ou l’ont fait pour Georges. C’est stupide, les parents ont l’air de marchands de soupe. Donc, mon Geogi, garde tes scrupules ou plutôt laisse-les s’envoler. Nous ne faisons pas grand dommage à nos frères et sœur, ils sont espérons-le au-dessus de ces mesquineries.

 

Maman et Thérèse sont allées ce matin à Epinal, je suis restée dans mon bon lit jusque onze heures ayant mes raisons de fatigue. Maman, je pense, à dû en être très contente, car elle redoute toujours un peu le résultat des permissions, chez moi tout au moins. Au contraire elle engage Maurice et Maguy à bien faire, il est vrai d’ailleurs qu’ils ont encore à nous rattraper.

 

En ce moment les deux petits se promènent avec Maman jusque la gare, il fait très bon dehors.

 

Tu sembles content de changer de matériel. Moi, j’en suis moins satisfaite car il me semble que s’il y a une offensive tu seras bien plus en avant avec des 75, et tu sais combien je tiens à mon chéri, je suis fière de son courage, mais je veux te revoir. Et pourtant je ne peux pas te dire comme Pierre Mangin : « Cache-toi derrière tes canons ». A la grâce de Dieu, n’est-ce pas. Qu’Il te protège.

 

Georges Boucher a écrit une lettre à Maguy qui ne nous donne pas l’espoir d’une fin prochaine. Il dit que, à la lecture des faits de guerre, il craint bien d’être encore en Allemagne pour deux autres Noëls, ce qui prouve que les Allemands ne sont pas prêts à céder.

 

22 janvier - LUI.- Je reçois ta bonne lettre et suis heureux d’apprendre que Maman a fait un bon voyage à Paris. Te voilà donc condamnée à ne plus bouger ma pauvre Mie. Cela va te paraître bien dur, toi qui aimais tant aller de temps à autre en auto. Mais tu vas bien te reposer maintenant et je suis persuadé que cela te fera beaucoup de bien.

 

Tu as fort bien fait d’envoyer cette petite somme aux dames Aubert et je t’engage fort à recommencer de temps à autre. Les pauvres filles ne doivent pas avoir grand chose pour vivre et, comme ce sont en somme nos parentes les plus rapprochées, il faut leur venir en aide. Donc continue.

 

Rien de nouveau ici. La division quitte Soissons et on prétend que nous allons nous aussi aller du côté de Reims. J’en suis ravi pour ma part, car voilà plus d’un an que nous sommes ici et cela devient bien monotone. Je regrette seulement que nous n’allions pas dans les Vosges, où je serais beaucoup plus près de vous et où j’aurais peut-être l’occasion de vous revoir plus souvent. D’ailleurs rien n’est encore sûr et nous attendons des ordres. Déon qui avait été au cours de tir surtout pour pouvoir aller à Paris le dimanche a été bien désappointé, un ordre étant venu de l’armée supprimant ces petites permissions qu’on donnait aux officiers suivant les cours de tir, sous prétexte qu’ils devaient être sur le même pied que les autres. Or, comme tous les capitaines je crois iront au cours, je ne vois pas l’injustice. Et cela nous faisait une petite sortie bien agréable qui ne faisait de mal à personne.

 

J’ai vu en effet dans les journaux l’incendie des Magasins Réunis. Sois persuadée que les belles petites vendeuses dont tu parles retrouveront leurs amis et n’y perdront pas grand chose.

 

Je te quitte pour aller prendre la garde à la batterie et j’embrasse ma Mi chérie avec les enfants de tout cœur. Ton Geogi.

 

23 janvier - ELLE.- Il faisait si délicieux aujourd’hui, j’ai pensé à toi qui as pu, pour la première fois depuis longtemps, passer une bonne journée à l’observatoire ou à la batterie.

 

Nous sommes allés à Cheniménil déjeuner. Je me suis juste levée à 11 heures, après avoir dit ma messe dans mon lit. Nous avons fait le bridge et j’ai horriblement perdu. Pour la première fois nous avions emmené les enfants qui étaient enchantés de revoir leurs petits cousins, ils ont joué très gentiment tous ensemble, puis nous sommes rentrés à 4 heures après avoir déposé Maman à la gare, et me voilà installée sur ma chaise longue pour suivre les prescriptions du docteur. J’ai expédié les diables à la lingerie pour avoir un peu la paix et bien me reposer.

 

Je voulais te demander, mon bon chéri, de ne pas trop fumer. Tu m’as dit avoir eu encore dernièrement un vertige, fais attention, ne bois pas trop de vin pur et ne fume plus tant, tu es déjà forcé de manger beaucoup de viande, ce serait bien ennuyeux si tes malaises te reprenaient. Tu devrais en parler au docteur, qui te conseillerait peut-être de prendre de temps en temps des purgations ou de l’urodonal ou une eau quelconque qui débarrasse bien les reins et l’intérieur.

 

Je voulais aussi te demander à propos de nos prix de revient, comment faudra-t-il s’y prendre pour la houille, si nous remettons en marche notre deuxième machine. Maintenant c’est très commode, nous savons que toute la dépense est à mettre pour le compte d’une seule fabrication, mais s’il y en a deux ensemble et probablement de composition différente, nous serons presque forcées de partager la houille en deux, ne pouvant définir combien l’une ou l’autre a pris de force. En tout cas, nous en dépensons énormément. Ainsi dans certains papiers je trouve 250 K. de houille aux 0,6 K. de papier. Nous voilà bien loin du kilo de l’oncle Henry. Il est vrai que c’est pour des fabrications très fines.

 

On parle beaucoup en ce moment de l’interdiction d’exportation des pâtes de Suède. Je pense qu’elle fait cela pour obtenir quelque chose en compensation. Si cette clause était maintenue, ce serait l’arrêt forcé de presque toutes les papeteries françaises à bref délai. Il y a bien la pâte américaine, mais elle revient encore plus cher que la suédoise. Finalement, ce serait un bienfait de manquer de papier, vous seriez débarrassés de tous vos états. Tu avais dit que tu nous enverrais un modèle du papier que tu emploies comme format et prix.

 

Veux-tu me répéter le nom du commerçant de Villers-Cotterêts où je pourrais te faire adresser un colis. Si je t’envoie un foie gras, ce serait meilleur qu’il ne traîne pas en route pendant un mois, comme lorsque cela passe par Besançon. Quel jour y envoies-tu quelqu’un, est-ce à jour fixe ?

    

Gravures du Petit Journal - Supplément illustré - 23/01/1916 (N° 1309)

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« Serait-ce mon tour ?... »

« Serait-ce mon tour ?... » telle est la pensée qui doit hanter le cerveau du Kaiser. La Mort est avide ; elle est insatiable. Se contentera-t-elle de l’abondante pâture qu’il lui a donnée ? Ne le prendra-t-elle pas lui-même, à son tour ? Après avoir sacrifié tant d’hommes à son incommensurable orgueil ne va-t-il pas être sacrifié lui aussi ? Et ne croyez pas que cette terreur de la mort que nous attribuons au kaiser soit purement hypothétique et gratuite. La pensée que nous lui prêtons est d’une absolue vraisemblance si nous nous en rapportons à la mentalité de Guillaume II. En effet, même en pleine santé, le Kaiser a une véritable phobie des malades et de la maladie. Comment ne serait-il pas assailli par les pires craintes alors que le mal s’abat sur lui ? Jugez-en plutôt par ce passage des Kaiseriana, de Paul-Louis Hervier.

 

« Guillaume II, dit Paul-Louis Hervier, tient peu à la vie de ses sujets. Il tient énormément à la sienne. Il redoute les malaises qui peuvent être les prodromes de maladies graves, il a peur des contagions et des épidémies. Il appréhende que les maux dont il souffre empirent soudain. Quand Guillaume vient sur un des fronts de la guerre, il est non seulement accompagné de son état-major, mais aussi d’une troupe de médecins, un véritable corps sanitaire, dont la mission est de rechercher s’il n’y a pas d’épidémie dans la région, si l’air est bon pour les poumons de Sa Majesté, si l’humidité du climat ne peut pas engendrer des douleurs. Dès que Guillaume croit qu’il a un rhume, il se met au lit, annule toutes ses audiences, boit de la tisane, accepte tous les cataplasmes, les gargarismes, les potions, les pilules et les cachets, on l’entoure de mille soins, on nettoie tout autour de l’habitation, on désinfecte à l’extérieur et à l’intérieur, on assainit par des procédés chimiques la chambre de l’auguste malade et on en éloigne tous ceux qui ont éternué pendant la semaine précédente, qui toussent pour avoir respiré de travers ou qui se mouchent pour cacher leur émotion. Ces gens-là peuvent avoir des rhumes de cerveau ou des bronchites, ils sont dangereux, on les chasse, on les exile. »

 

Dans ces conditions, on conçoit quelles doivent être les craintes du kaiser atteint par le mal héréditaire auquel son père a succombé. Déjà, il y a cinq ans, il fut question d’opérer l’empereur et de faire l’ablation du larynx. Guillaume recula. Pourra-t-il encore reculer cette fois ? Le cancer a fait des progrès. Cette voix qui a proféré tant de mensonges est-elle condamnée à s’éteindre ? Cet homme qui a sacrifié à ses ambitions tant de vies humaines va-t-il périr à son tour ? Sans doute sa disparition jetterait le désarroi dans le camp ennemi et hâterait peut-être la fin de la guerre. Mais comme on voudrait que l’homme responsable de tant de deuils et de tant d’horreurs pût voir, avant de succomber, l’effondrement de toutes ses ambitions, la chute de sa dynastie, l’abaissement définitif de son peuple, et qu’il connût ainsi, avant de mourir, le châtiment.

 

    

 

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Soldats russes - Les achotniki

Ce sont les soldats les plus redoutés des Allemands. Ces ‘achotniki’, chasseurs éclaireurs des régiments russes, sont recrutés parmi les sujets d’élite joignant l’audace, la fermeté, l’esprit de décision et l’adresse à une grande vigueur physique. L’instruction que reçoivent ces hommes porte sur les points suivants : service de découverte et de sûreté ; combat en ordre dispersé et principalement exercices d’attaque de villages difficilement accessibles ; marche ; service de nuit ; emploi des fanions et des lanternes de signaux ; lecture de la carte et utilisation de la boussole ; exécution de croquis très simples ; orientation en terrain inconnu ; canotage, conduite d’un bateau à la voile ; natation ; usage de la bicyclette, des skis et des patins ; maniement des extincteurs d’incendie, etc.

 

Chaque régiment est doté du nombre voulu de fusils de chasse, de deux bateaux démontables, de filets, et possède, en cas opportun, une meute. Le gibier abattu et le poisson pris demeurent la propriété du détachement. Celui-ci a le droit de chasser en tout temps dans les forêts domaniales et n’importe quel gibier, sauf le daim. Dans l’ensemble des détachements de chasseurs, les hommes chaussés du ski opèrent sans l’aide d’un bâton, ce qui leur permet de faire usage de leur arme en tout temps. On conçoit aisément que ces ‘achotniki’, très entraînés à marcher sur tous les terrains, habitués à faire usage du ski et trempés par la lutte contre les éléments et contre les fauves, soient des adversaires redoutables pour les soldats allemands empêtrés dans les marécages.

 

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Auto-mitrailleuse qui vient de tirer sur un avion

Porteurs de soupe dans un bois près des Eparges

Cyclistes anglais quittant Salonique

La dernière capture des Allemands en Serbie

Convois allemands en Serbie

La Croix-Rouge serbe

Nos poilus dressant un jeune renard

Le petit cimetière des Eparges

Un garde-voie serbe

Arbre abattu par-dessus une tranchée, par une torpille aérienne

 

Les instantanés de la guerre (photos)

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Paysans serbes sous la garde de soldats autrichiens

Troupes grecques abandonnant Salonique aux Alliés

Près de Salonique - Transport escorté par un torpilleur

Exode serbe - Le départ vers l'inconnu

Le roi Pierre 1er de Serbie pendant la retraite

Les amiraux Fournier et Guépratte à Ténédos

La retraite serbe

A Salonique - Dirigeable anglais passant au-dessus du camp des Alliés

Soldat grec dansant une danse populaire devant un groupe de Français

Soldat du génie italien chargé de couper les fils de fer barbelés

 

  

Thèmes qui pourraient être développés

  • Le jeu du piquet
  • Les moustaches
  • Monténégro - Le roi du Monténégro traite avec l'Autriche
  • Industrie - Commandes militaires et demandes d'hommes mobilisés
  • Nancy - Incendie des Magasins Réunis
  • Indemnités pour le logement des troupes
  • Le Kronprinz à l'Altenberg il y a une dizaine d'années
  • Nancy et les villes du front
  • Blocus
  • Industrie - Interdiction d'exportation des pâtes de Suède
  • Soldats russes - Les Achotniki (LPJ Sup)
  • Angleterre - Le recrutement en Angleterre (LPJ Sup)
  • Les instantanés de la guerre (Photos dans LPJ Sup)
  • Religion - Fête religieuse - Châsse de Saint Pierre à Rome - 18 janvier
  • Religion - Fête religieuse - La Sainte Famille - 19 janvier


15/01/2016
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